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Multicultural Challenges
13 novembre 2017

La petite histoire de l'harmonica au Cameroun

    

"La vérité finit toujours par triompher" Amadou Ahidjo, premier président de la République du Cameroun (1924-1989)

 

Depuis quelques années, je me pose la question de savoir, quelle est la configuration du paysage de l’harmonica* dans le  Cameroun d’aujourd’hui. La situation est identique

                                          

Faute de données sur cet instrument mythique dans la littérature musicale de mon pays de naissance, le Cameroun, il fallait créer un déclic pour éclairer la lanterne et susciter les réactions des uns et des autres.

Il s'agit peu ou prou, de sortir de l'oubli et dire haut et fort que j'appartiens aussi à la galaxie musicale si méconnue de l'harmonica en Afrique et dans la Caraibe, ma région d'adoption.

Je m’appelle Belmond Ndengué. Belmondo Ndengué est mon nom de plume. Journaliste multimédia de formation, auteur compositeur, interprète et luthier à mes heures, je suis hors du Cameroun depuis plus de 35 ans.

Ma terre d'inspiration et de prédilection a pour nom de code Haïti; ma seconde patrie, avec toute la charge émotionnelle qui en découle.

 Il y a presque 50 ans, les journalistes et auditeurs de Radio Cameroun écoutaient Ndengué Belmond Black, « l’homme orchestre » pour les uns, " l'homme  à l'harmonioca" pour les autres.

Membre de la SACEM dès 1975, j’appartiens à la génération des harmonicistes Camerounais des années 60 et 70. Mes chansons sont diffusées sur les ondes du poste national de Radio Cameroun, émettant de Yaoundé.

S'agissant des courants musicaux des années soixante et soixante-dix, les historiens de la musique africaine pourraient me situer parmi les premiers one men show du continent ayant choisi de jouer à la Bob Dylan, ou encore Antoine, le hippie Français ou Donovan, le Dylan Britannique.  Mais ces musicographes le savent-ils?

Premier Africain 

Cela n'a jamais été dit ou écrit: Je figure au top invisible des Africains ayant utilisé l'harmonica dans le reggae. Nous sommes vers la  fin de la décennie 70. Je professe dans un Lycée anglophone du Nord-Ouest du Cameroun.

L'album Happy To See You" est enregistré au Nigéria sur vinyle en 1978; ses sonorités afro-funk, country et pop, concoctées dans cette région anglophone au climat doux, rappellent que les styles musicaux peuvent s'adapter à nos humeurs.

En studio, l'harmonica et le soliste s'interposent  par des faits d'alternance. Mais le disque qui en découle compte six titres originaux et ne sera jamais commercialisé au Cameroun; il se noie dans les eaux troubles de l'industrie musicale nigériane.

Un chasseur de musiques africaines rares sur vinyle retrouve un exemplaire de mon disque vers le Ghana et me retrouve, grâce à internet. Nous prenons l'engagement de le produire fin 2016.

D'autres pionniers

Autant que je m'en souvienne, il y a eu  et il y a bel et bien d'autres harmonicistes d'origine Camerounaise.Le plus populaire des instruments au monde se vendait au marché et dans les magazins spécialisés de la place. Il y en avait pour toutes les bourses.

Le célèbre Eboa Lotin aurait joué de l'harmonica à ses débuts. Il se serait produit en concert avec ses instruments. Mais le chanteur de charme ne l'utilisera jamais dans ses nombreux hits.

Dans les années 60 et 70 au Cameroun, de jeunes artistes chassent plus moins sur les terres de Bob  Dylan, en jouant de la guitare et de l'harmonica en même temps. Ils ne sont pas très nombreux.

Ces devanciers ont pour noms Tina, un Béti francophone; et feu Etou Banyang, un anglophone. Je n'oublierais pas un certain Ndam, un Bamoun de l'ouest, alors élève au Lycée Général Leclerc de Yaoundé;  à l'époque où Amadou Vamoulké, devenu plus tard journaliste à la CRTV, fréquente le même établissement.

Ndam est plus axé sur le blues. Difficile de savoir s'il vit encore aujourd’hui. Mais Ndengué Belmond Black est de loin, le plus prolifique joueur d'harmonica toujours vivant. En témoignent ces dizaines de créations inédites jamais vulgarisées et celles diffusées sur Radio Cameroun dans les années 60 et 70.

Compagnon de toujours

J'ai continué à en jouer et à l'utiliser dans mes compositions. Je suis aussi le moins connu à l’heure des autoroutes de l’information. J’aivais choisi de consacré ma vie aux études et ensuite au boulot. La sortie de mon album à la fois sur vinyle et CD en 2017, augure d’un nouveau départ, même sur le tard du désormais sexagénaire.

Je reste, en toute modestie, l’un des Africains les plus passionnés de l’harmonica.. Je l’ai introduit dans mes compositions folk  et reggae africaines à mes débuts. Mais je n’avais  aucun soutien pour aller plus loin. 

Mon feu père n'avait  de cesse de me rappeler que "la musique ne nourrit pas son homme au Cameroun".  Il m'exhortait à me pencher plutôt sur mes études. Il avait peut-être raison.

Incontournable sur Radio Cameroun

Les auditeurs de Radio Cameroun de ma génération se rappellent l’émission « Phonorama » du regretté Henry Bandolo. Ma chanson « Le Monde Change » jouée avec  Angoula Angoula, mon voisin du quartier Mvog Ada,  est très bien accueillie par le public. Elle trône au hit-parade de Phonorama.

Le Monde change est composée en juillet 1969, au moment où les cosmonautes de la mission Apollo 11 se posent sur la lune. Je joue de l’harmonica et chante, avec un support rythmique syncopé à la guitare d'Angoula Angoula dit Otis. 

« La planète où nous vivons va bientôt vieillir. C’est pour ça que certains vont habiter la lune », chantais-je. Des paroles simples mais chargées de sens.

Les auditeurs de Radio Cameroun des années 70 se souviennent, sans doute, de feu Richard Ekoka Sam Ewande et de son Hitparade. Ma chanson « Il N’y a Pas de Couleur au Ciel »  est classée en tête de liste pendant trois mois. Un record pourtant jamais homologué jusqu’á date.

De nombreux Camerounais apprécient les émissions des stars des ondes Henri Bandolo, Claude Ondombo, Lucien Mamba, Alphonse Atsama ou encore André Nkoa Mbangué. Toutes ces icônes passent mes musiques et réalisent  des interviews avec moi.

Les chansons de Ndengué Belmond Black, pinçant les cordes de sa guitare et aspirant son harmonica en même temps avec des messages du genre "protest songs", leur plaisent volontiers.

Le petit  écran est inexistant au Cameroun. La presse écrite accorde peu de place à la culture. De jeunes artistes de ma trame n’ont pas de gros pistons et encore moins les moyens des Pierre Didy Tchakounté, Elvis Kemayo, Talla André Marie, Tim & Foty ou du grand Manu...

Ces privilégiés du sort ont des tuyaux  et les soutiens nécessaires, et peuvent  se pavaner dans les studios d’enregistrement de  Mbengue (la France en langue Douala).

Remettre les pendules à l'heure

. Quand les journaux parlent des Ismael Lo ou de Muntu par exemple, en les présentant comme des pionniers ou des adeptes de Dylan, j’en rigole. Car j’en déduis que chaque zone géographique du continent africain, aurait ses ténors connus ou méconnus dans ce domaine.

Jouer de l'harmonica ne suffit pas pour incarner un monument comme Dylan. Il faut avoir été influencé par son engagement musical, sa voix nasillarde par moments, son phrasé vocal et ses thèmes. Il ne faut pas avoir une voix de soprano. non plus.

Beaucoup ont dit que Dylan n’était pas un vocaliste conventionnel. Mais il a prouvé que la belle voix ne suffit pas pour chanter. Aimer ou incarner ce chantre de la musique, c’est  pouvoir interpréter  en public certaines de ses œuvres. Je suis passé par là et y reste par moments.

L’espoir renaît

Il y a deux ans, un jeune producteur conscient du retour du vinyle sur le marché, découvrait mon album quelque part en Afrique de l'Ouest. Installé en Belgique, il décide de  ressusciter son pesant d’or  sur du vinyle et sur CD. Je suis d'accord sur le principe.

La première phase commence en Angleterre avec le nettoyage et se termine bien, comme il le souhaite.  Aux dernières nouvelles, j'apprends avec joie que le test pressing est à  jour en Norvège. Tout le lot –vinyle et CD-  arrive en Belgique avant fin novembre 2017. La sortie officielle de "Never Too Late", le nouveau titre de l'album de  Belmond Black, voit le jour  en Janvier 2018.

.Un proverbe créole haïtien dit avec justesse : « Dèyè mònn, Gen mònn ». Ce qui signifie "Quand on aperçoit une montagne, il ne faut pas s'imaginer que l'horizon s’arrête là." Derrière ces montagnes, il y en a d’autres.

 En d’autres mots, ceux qui sont présentés par les médias comme étant les seuls créateurs sont visibles. Mais il y en a d'autres que l'on ne voit pas et qui n'ont besoin que d’un coup de projecteur pour prouver qu’ils étaient bien là, parfois avant tous les autres. J'appartiens bel et bien à  cette galaxie. Puisse mon histoire de l'harmonica susciter d'autres réactions.

 

 

Ma guitare et mon porte harmonica, mes vrais amis!

 

Belmondo Ndengué

*Belmondo est membre de Harmonica Francophone et dispose d' une collection de  sept (7) harmonicas dont un diatonique et un à double face. Son harmonica le plus ancien date de 1981. L'harmoniciste travaille sur une compilation de musiques qui seront épicées à l’harmonica.

 

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Commentaires
B
REAGISSEZ, EMETTEZ DES OPINIONS, NE VOUS TERRER PAS DANS UN SILENCE COUPABLE!
Répondre
Multicultural Challenges
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